
Habemus Papam commence comme un documentaire, avec des images prises, par d’autres, à Rome durant la longue période de funérailles de Jean Paul II. Mais à la façon dont la mise en scène embraye fissa en fiction, et à voir comment le réalisateur en profite pour égratigner la télé italienne, sbires des spectacles berlusconiens, imbéciles à micros incapables de distinguer la couleur d’une fumée et meublant leur ignorance en tout par un babil vidé de toute substance, on comprend que Habemus Papam renoue avec le Moretti de Palombella Rossa. Celui, fumasse, qui prenait le prétexte d’un match de water-polo pour dire la liquidation du communisme, et insultait déjà au passage une journaliste à coups de «Mais comment tu parles ?»

On a beaucoup vu, à Cannes, les images où des cardinaux jouent au volley-ball en soutane, des cartes postales felliniennes qui ne sont drôles qu’à l’intérieur du régime général du film, où il s’agit - comme dans Pater de Cavalier - de replacer l’homme de pouvoir là où est sa vérité : toujours un pied dehors de ses marques.

Le pape selon Moretti est un acteur, un névrosé, un sportif amateur, un imbécile au sens tragique du terme : un homme. Qui les vaut tous et que tous valent… Le schéma d’un dialogue d’attention mutuelle entre un Moretti psychanalyste et son sujet de pape Piccoli - récitant de tête la Mouette de Tchekhov mais incapable d’endosser la robe, donc le costume et le rôle qui lui est alloué - ne laisse entrevoir qu’une partie seulement du pouvoir de fascination que déploie le film : sa causticité passe-muraille.

La mise en scène, organisée comme celle d’un ballet, imprime quelque chose d’aérien, aussi bien dans les scènes tournées en studio (où furent reconstituées à l’identique certaines pièces du Vatican) que dans les plans magnifiques de Piccoli, visage collé à la vitre d’un bus roulant dans Rome la nuit et disant avec des yeux de gosse combien le monde extérieur est suffisamment beau, opaque, pour être joué en anonyme parmi les anonymes.
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